Gala de danse de Pôle-Pik

Par MICHELE BIASETTI, publié le mardi 30 mai 2017 22:49 - Mis à jour le mardi 30 mai 2017 22:49
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Saison 2017 : Correria Agwa

              Il ne reste plus que 30 minutes avant le spectacle. Les dernières répétitions s’enchainent, les parents commencent à arriver, l’espace Albert Camus entre alors en pleine effervescence. Le stress monte pour les danseurs et tout le personnel encadrant l’événement.

              Ça y est, la musique est officiellement lancée dans le hall du théâtre où les spectateurs, de plus en plus nombreux, attendent. La file s’allonge pour acheter les dernières places restantes, tandis que les tee-shirts se vendent juste à côté comme des petits pains. On entend alors les cris enthousiastes des danseurs venant des coulisses lors du dernier speech de Mourad Merzouki, puisqu’il est déjà 14h55, l’heure d’entrer dans la salle.

             Une fois tout le monde installé, Mourad Merzouki prend la parole pour présenter le spectacle. Il explique alors que 200 élèves de son Centre Chorégrapik Pôle Pik seront sur scène dans quelques instants. Il se dit plein d’émotion car le spectacle est aujourd’hui interprété par tous ces danseurs alors qu’il l’était à l’origine par des professionnels. Vient ensuite toute une série de remerciement envers toutes les personnes ayant permis la réalisation de cette troisième édition du Gala.

         Alors que la petite introduction au spectacle par une voix off se voulait comique, on rentre rapidement dans un spectacle qui ne laisse personne indifférent. En effet on entre doucement dans le spectacle par le groupe Popping puis tout s’enchaine. Tandis que les plus jeunes créent une atmosphère très joyeuse et dynamique, certains groupes d’adultes sont plus sérieux en reprenant plus particulièrement le spectacle Agwa qui se veut révélateur d’une prise de conscience écologique sur la question de l’eau et sa répartition dans le monde.



        Le spectacle ne se résume cependant pas à cela et se révèle être très entrainant ! Les jeux de lumières, de sons ainsi que le comique de la représentation nous donnent envie à nous, spectateurs, de rejoindre les danseurs sur scène pour s’amuser autant qu’ils en ont l’air, grâce à leur énergie communicative et aux sourires qu’ils affichent. C’est là aussi une des forces de ce spectacle car il plait tout autant aux adultes qu’aux plus jeunes !

          

             Après la fin du spectacle, nous avons pu interviewer une des danseuses de Pôle Pik qui nous a confié que la danse lui permettait de se défouler, de prendre plus confiance en elle et de rencontrer du monde , en plus de lui permettre de repousser ses limites. Le Gala représente donc pour elle un défi à relever mais également un très bon moment d’échange et de rencontre marqué par l’amusement et la rigolade. Elle nous avoue alors avoir connu Pôle Pik après s’être intéressée au hip hop et avoir découvert que ce centre existait à côté de chez elle. Ce témoignage nous montre alors l’importance que peut jouer Pôle Pik dans l’épanouissement personnel du danseur.

        Pour finir avec cette après-midi riche en émotions, nous avons eu l’honneur de rencontrer Mourad Merzouki qui a bien voulu répondre à nos questions :

Pourquoi avoir choisi de réinterpréter les spectacles Correria Agwa ?

     En fait, chaque année on souhaite proposer une de mes créations en fonction de l’année de création et du moment où ça se situe. On a choisi cette année d’interpréter Agwa Correria parce que l’année dernière, c’était Boxe Boxe et c’était Terrain Vague il y a deux ans. On a fait ce choix pour changer et l’année prochaine se sera certainement une autre création que j’ai faite. L’idée est de proposer, de partager mon univers artistique au public de Pôle Pik.

Pourquoi avoir choisi de faire de vrais galas de danse comme des professionnels plutôt que des spectacles de fin d’année cours par cours comme c’était le cas avant ?

Pour faire différemment des autres parce qu’on veut se singulariser. En plus j’aime bien l’idée d’imaginer un vrai spectacle avec tout le monde plutôt que faire des petites séquences. Ça permet à tous de se rapprocher, d’être ensemble, de danser la même chorégraphie. Ça nous rassemble ! C’est ça qui me plait et puis ça permet de faire un gala original.

Que pensez-vous du fait que vos spectacles soient joués dans le monde entier ?

C’est une grande fierté. Je suis très content que mes spectacles soient montrés à travers le monde. Bien sûr je suis heureux car ça me permet de partager ma danse, mes chorégraphies avec le reste du monde mais ça me permet aussi d’apprendre vraiment pleins de choses avec d’autres cultures. Ça me nourrit dans mon travail de créateur.

Vous aviez dansé avec les élèves lors des deux derniers galas donc pourquoi ne pas l’avoir fait cette année ?

     Parce que je n’ai pas eu beaucoup de temps cette année pour être avec eux. A mon grand regret, parce que c’est un vrai bonheur de danser avec eux. Ça me stimule, ils me donnent une énergie tellement puissante, que ça fait du bien et ça me donne envie de continuer à faire ce métier. Mais c’est juste faute de temps, parce que j’ai beaucoup de choses en ce moment. Peut-être que ce soir je danserai, on verra… (ndlr : il a en effet dansé lors de la deuxième représentation qui se déroulait dans la soirée)

Comment pensez-vous que la danse hip-hop arrive à réunir autant de générations ,  comme dans ce spectacle avec des danseurs de 3-5 ans jusqu’à 74 ans ?

C’est ça qui est incroyable dans le hip hop, c’est une danse qui touche tout le monde parce que c’est une danse qui est généreuse, c’est une danse de partage, c’est une danse qui est spontanée. La force du hip hop est le fait que ce soit une dance qui se pratique dans les théâtres, une danse qui se pratique partout, dans les clips vidéo, dans les centres commerciaux, etc. Voilà. C’est ça la force du hip hop et je suis vraiment très content de voir qu’aujourd’hui le hip hop touche vraiment toutes les générations.

Est-ce que vous arrivez quand même, malgré votre carrière internationale, à garder un lien avec Pôle Pik et ses élèves ?

Oui, c’est important pour moi malgré le fait que je ne sois pas toujours à Bron ou à Pôle Pik. C’est important d’être sur le terrain, d’être avec les gens et puis à Bron c’est mon histoire. Ça fait maintenant plus de 20 ans que je fais des choses avec les brondillants et avec le défilé, avec mes spectacles qui sont ici à l’espace Albert Camus donc pour moi c’est important de ne pas couper le cordon. Ce n’est pas parce que je suis un jour en Chine, un autre jour au Brésil et un autre en Inde que ça devient moins important d’être ici avec ce public, ces participants et tous les brondillants, au contraire.

Du coup, pourquoi avoir choisi de créer le Pôle Pik et pourquoi avoir choisi Bron spécifiquement ?

J’ai choisi Bron parce que je suis né à Lyon, j’ai grandi à St Priest juste à côté et Bron m’a ouvert les bras, m’a accompagné dans mon parcours de chorégraphe et d’artiste. C’est une ville qui est riche à tous les niveaux : il y a une population qui s’intéresse à la culture, à la danse ; il y a des ambitions politiques qui sont celles de vouloir accompagner des artistes, de vouloir amener la culture dans la ville et tout ça m’a encouragé et m’a aidé à faire ce travail ici à Bron. Nous avons donc créé Pôle Pik parce qu’on avait besoin d’un lieu pour le hip hop, car pendant très longtemps, cette danse a été sans abris, et Pôle Pik nous a permis d’avoir de bonnes conditions pour continuer à développer ce travail.

Comment vous sélectionnez les danseurs de votre compagnie Kafig ?

Je fais des auditions pour sélectionner les danseurs et en général je recherche des danseurs ambivalents. Après, certains me parviennent par du bouche-à-oreille mais je passe quand même par des auditions, pour essayer de renouveler les équipes dans mes créations.

Et du coup est-ce que c’est vous qui gérez les différents cours de Pôle Pik ou d’autres personnes s’en chargent ?

Non, heureusement ce sont d’autres danseurs qui font un travail formidable. Ces danseurs sont dans le même désir que moi, à savoir de partager la danse. Ils ont la fibre de la transmission et je suis très content parce que c’est une belle équipe, ce sont des beaux danseurs et des danseurs qui ont envie , comme ça, de partager leur danse avec tout le monde.

Pourquoi êtes-vous passé de la boxe à la danse et d’où vous est venue votre passion pour la danse ?

D’abord j’ai été boxeur petit en étant aussi inscrit dans une école d’arts martiaux. J’adorais la boxe et puis ensuite j’ai fait du hip hop parce que c’était la mode, il y avait du hip hop à la télé et tous les copains en faisaient. C’est comme ça que j’ai commencé par hasard et je me suis rendu compte que c’était une danse qui m’allait bien. Ça m’a permis de rencontrer, de grandir, de créer et j’ai d’ailleurs voulu, dans un spectacle, mélanger le hip hop et la boxe. (cf le spectacle Boxe Boxe, présenté au Gala de l’année dernière)

Pour finir, êtes-vous actuellement sur un nouveau projet ?

Oui, sur pleins d’autres projets ! La prochaine création est pour 2018 et on va la présenter à la biennale de la danse de Lyon. Et puis on a aussi la programmation du théâtre qu’on va proposer au public, le projet du fort de Bron avec des spectacles en plein air et bien sûr tous les ateliers au Pôle Pik.

(Crédit Photos : Gilles Aguilar)