Jeanne d'arc au bûcher

Par MICHELE BIASETTI, publié le samedi 4 février 2017 23:23 - Mis à jour le samedi 4 février 2017 23:30

Arthur Honegger
&
Paul Claudel

 

                Cette semaine rendez-vous à l’Opéra, mais non pas pour en découvrir un sous sa forme la plus classique qui peut en rebuter plus d'un ! En effet, Jeanne d'Arc au bûcher n'est pas un opéra mais un oratorio dramatique de Arthur Honegger sur le livret de Paul Claudel; ce qui est d'ailleurs très paradoxal, puisque l'oratorio est, par essence, un genre musical à sujet religieux, ne faisant en  général pas l'objet de représentation scénique.

 


                Alors qu'allons nous voir ? Et bien c'est un spectacle tout à fait nouveau que j'ai découvert.
Toute la mise en scène s'insurge contre les symboles assimilés à Jeanne, s'affranchit du poids de la commémoration nostalgique  de l'histoire , de la propagande et de la glorification de ce personnage absolument emblématique qui a été tours à tours l'icône des républicains, des royalistes, du régime de Vichy mais aussi, et plus récemment le nouveau porte drapeau des partis nationalistes et xénophobes. Il faut donc prendre une grande distance avec ce personnage et cela le spectacle l'a bien compris.
Ici notre Jeanne est avant tout une voix et bouscule le spectateur dans sa vision 'classique' de Jeanne d'Arc : elle est introduite dans le corps d'un personnage creux, sans intérêt ni «contenu» ( selon les mots de Romeo Castellucci, le metteur en scène ), elle ne possède donc pas de corps qui puisse lui être propre. Elle est mise à nue, dépouillée (et ce littéralement…) pour finalement atteindre une dimension très réaliste et le personnage semble profondément humain voire accessible. Mais ne l'oublions pas, Jeanne n'est qu'une voix et les personnages qui l'entourent ne sont que des voix dans sa tête ; il y a donc vraiment peu d'acteurs sur scène et même lorsqu'ils sont présents ils ne sont qu’enveloppe de chaire.  Le spectateur est un peu seul et je n'avais par exemple pas réalisé que les voix que j'entendais étaient en fait des personnages que je ne verrais jamais. Selon moi ,il y avait deux personnage ( puisque deux visibles et ayant la parole), mais quelle ne fût pas ma surprise quand j'ai appris qu'il y en avait plus d'une quinzaine ! J'étais donc un peu perdue…
               Pour finir j'aimerais faire part de la fascination que j'ai éprouvée à la vue du décors et de sa versatilité !
Il prend des allures de site archéologique très métaphorique pour faire référence à «l’état» de Jeanne d'Arc qui se découvre, couche par couche et qui gratte littéralement la terre pour trouver un trésor bien enfoui au fond d'elle. Le décors fait partie intégrante de l'histoire et se meut au file des scènes faisant, finalement bonne compagnie au spectateur.    
C'est une véritable découverte et qui plus est très agréable ! Moins effrayant que l'idée que l'on peut se faire de l’opéra avec une mise en scène des plus originale. Je suis donc très reconnaissante d'avoir eu le privilège d'assister à ce spectacle.

Alicia D.